Wednesday, October 5, 2011

Un espace nommé ma chambre

Un texte de Wassim Sookia

« Il n’est pas nécessaire que tu sortes de ta maison. Reste à ta table et écoute.
N’écoute même pas, attends seulement. N’attends même pas, sois absolument
silencieux et seul. Le monde viendra s’offrir à toi pour que tu le démasques,
il ne peut faire autrement, extasié, il se tordra devant toi. » Franz Kafka

C’est de ma chambre que sort tout ce que je peux donner dans mon travail chez Circus, dans mes films et à tous ceux qui m’entourent. Du peu que je peux bien sûr. Et je n’ai vraiment pas de raison de me sentir mal du fait de me claquemurer car ça voyage dans ma tête. Toujours. Et c’est valable pour tout être humain. L’image n’est pas restreinte à l’œil, elle est aussi visible dans le mental. D’ailleurs ce n’est même pas nécessaire de fermer les yeux. L’imagination a plus de boulot mais ce n’est jamais épuisant, bien au contraire, on a l’impression d’avoir bougé ou de s’être déplacé momentanément, tout simplement. De ma chambre je n’ai pas vraiment de vue imprenable. Mais comme au cinéma, le son apporte un complément à l’existence de cette chose imprenable qu’est l’imagination. Quand je dis son, je pense aux cris des oiseaux, aux voitures qui passent ou qui freinent, au facteur qui sonne, deux fois, aux chiens qui aboient, à la musique au loin ou à celle, torturée, de ma chambre. L’imagination et le son suffisent pour nous offrir de quoi penser, de quoi nous occuper, de quoi nous rendre heureux. D’ailleurs, le sommeil pour moi est comme une chambre où l’on se réfugie la nuit. Et dans cette chambre-là, l’on rêve et l’on va loin, très loin. C’est pour cela que quand on se réveille, on a comme l’impression d’avoir atterri dans une antichambre. Le fait d’imaginer et de créer devient indéniablement accessible à chaque personne qui rêve, le temps d’un rêve. Mais il faut aussi savoir l’entretenir. Dans ma chambre je regarde rarement la télé, car cette dernière s’approprie sans gêne tout ce que ma tête peut me trouver afin de survivre ou de se sentir vivante. Ce qui est certain, c’est que je ne me suis jamais ennuyé dans ma chambre. Le fait de pouvoir rêver m’a toujours suffi. Je me suis bien entraîné – ou plutôt, laissé entraîner – à l’école à de longues séances de rêveries. Et là où je me sens le plus à l’aise, c’est dans ma chambre. Elle me donne l’énergie qu’il me faut pour propager toute la sagesse qu’elle me procure, celle de se contenter de peu de choses. On a beaucoup à apprendre des enfants. Un peu comme un gosse qui se satisfait d’une voiture miniature sans les roues, mais qui joue, qui imagine et qui fait vivre des choses inanimées.
J’ai toujours été reconnaissant envers Dieu de m’avoir donné une chambre. Et je Le remercie aussi chaque jour qui passe de m’avoir donné la faculté de pouvoir user de mon imagination. Pas toujours peut-être.

Dans ma chambre il m’arrive aussi de passer des heures entières sans faire quoi que ce soit. Et quand tout devient sans vie et terne, ben je remets le son.